Les spectateurs sont installés au plus proche, au bord de la scène,
dans un cocon de voiles. Devant eux, un plateau, de la terre, une
lune-miche de pain, un ciel de bambou... et de petites constructions
de bois, faites de fragiles brindilles et de bâtons. Un souffle berce
les feuilles. Il n ‘y a rien d’autre - comme aux premiers temps du
monde. Et puis soudain... Soudain quelque chose s’agite sous la
terre : un être, un être indéfini qui rampe. Quand son visage se
révèle, alors tout commence vraiment : c’est le début des «Petits
sentiments», ceux qu’éprouve, un à un, l’unique personnage de ce
spectacle - une marionnette grande comme la main. Effroi, désir,
solitude, joie, colère, émerveillement - la gamme est explorée sans un
mot, tout comme le sont l’ouïe, la vue ou le toucher (puisque des sens
aux sentiments, il n’y a qu’un pas !) Le monde loufoque, sensible
et marionnettique du Tof Théâtre, l’art brut d’Antonio Catalano et les
sons inventifs du patamusicien Max Vandervorst s’entremêlent avec
bonheur pour nous concocter cet hymne à l’émerveillement et à l’éveil
du sens artistique !
Spectacle rêvé, conçu par Alain Moreau et Antonio Catalano, créé avec la complicité de Sandrine Hooge et Céline Robaszynski
Réalisation marionnettes et mise en scène : Alain Moreau
Scénographie : Alain Moreau à partir d'une proposition d'Antonio Catalano
Création de l'univers sonore, des instruments et composition des musiques: Max Vandervorst
Jeu: Lisou De Henau et Céline Robaszynski
Régie : Jérôme Lenain
Travail exploratoire autour de la lumière et du son : Dimitri Joukovsky
Création des éclairages: Emiliano Curà à partir d'une proposition de Dimitri Joukovsky
Accompagnement artistique: Antonio Catalano
Collaboration à la scénographie : Céline Robaszynski
Mise sur orbite et conseils éclairés: My-Linh Bui
Aide précieuse à la réalisation : Sarah Demarthe
Production : Tof Théâtre et Teatro delle Briciole
Co-production : Festival A pas contés (Dijon), Le Granit - Scène
Nationale de Belfort, L’Arche - Scène Nationale du Pays de
Montbéliard, L’Yonne en Scène.
Diffusion : My-Linh Bui - Kurieuze & Cies
Genèse du projet...
“Liberté totale” Telle était la proposition
de Flavia Armenzoni lorsqu’elle me confia la création d’un spectacle
au Teatro delle Briciole... Cette proposition me ravissait. Très
rapidement nous en arrivâmes à imaginer de produire conjointement ce
spectacle. Pour deux compagnies amies de longue date, ce projet venait
à point nommé. De retour de Parme où nous avions discuté de ce projet,
je fis étape pour quelques jours dans les collines aux alentours
d’Asti à la Casa degli Alfieri, le repère bucolique d’Antonio
Catalano. Comme toujours, nous étions heureux de nous retrouver. Dans
son atelier, je découvris un des multiples travaux en cours de cet
artiste prolifique. Le sol était parsemé de constructions miniatures
en bois de noisetier, des tours étranges...
C’était très beau, Antonio m’expliqua que c’était la maquette d’un
projet monumental qu’il imaginait pour l’extérieur. J’aime beaucoup
les miniatures, je trouvai cela très tentant... Une envie d’explorer
ce monde étrange, d’y mêler mon univers me tenaillait. A son insu, je
retournai plus tard dans son atelier accompagné d’une petite
marionnette que je traine souvent avec moi, avec laquelle
j’expérimente des choses durant mes temps libres en me disant qu’un
jour peut-être j’en ferais un spectacle... Après quelques minutes
d’exploration de ce monde sensible, j’eus le sentiment qu’il se
passait quelque chose de possible et d’intéressant ! Après avoir
improvisé avec ma marionnette devant lui, très vite, Antonio commença
à fabriquer d’autres constructions miniatures. Un ping-pong d’idées
débuta très naturellement, l’aventure avait commencé ! Un
spectacle très simple, sur la curiosité, la découverte de ce monde
poétique et étrange avec de la lumière qui joue, du vent qui tourne,
une musique minimaliste, des sons, des sensations... Après trois
agréables jours de travail de recherche, une scénographie et les
grands axes furent ensemble dessinés sans peine. Pour Antonio, il y
avait quelque chose de métaphysique dans ce qu’il avait vu durant ces
quelques jours... Et pour moi il semblait évident et indispensable que
Max Vandervorst mon complice musicien depuis toujours, nous rejoigne
dans cette belle aventure ! Une envie profonde m’intéressait,
celle de me laisser porter par la marionnette, l’univers d’Antonio et
celui de Max. Et les laisser se découvrir mutuellement et assister à
la fusion... J’aime ce projet parce qu’il est arrivé naturellement
sans qu’on y réfléchisse pendant des mois, sans préméditations. Alain
Moreau, Metteur en scène
Piccoli sentimenti: La mise au monde
La
conjonction de trois univers
Tout le spectacle s’est écrit naturellement. Comme une
conjonction évidente de trois univers plastique, musical et théâtral
qui partagent au même moment les mêmes aspirations. Rien n’a été
vraiment formulé, tout s’est passé comme une évidence, dans un va et
vient d’apports et d’idées qui se complétaient à merveille. Il y avait
une folie qui devait se rencontrer entre le plasticien Antonio
Catalano et le musicien Max Vandervost, avec qui je travaille depuis
25 ans. Max n’a jamais parlé avec Antonio, mais quand il a vu son
décor, il a eu le désir de se l’approprier, de le sonoriser et le
musicaliser. Tous deux bricolent et détournent dans un même esprit
d’enfance les objets du quotidien ou les éléments naturels. Ensemble,
nous avons bâti une maison commune dont j’étais l’architecte, ils
apportaient les pierres, je montais les murs. Ce dialogue entre les
arts a donné naissance à un spectacle complet qui éveille à la
musique, à l’art plastique, au théâtre, à la créativité multiple.
Les petites choses de la vie
Au départ nous ne savions rien de ce qui allait arriver. Nous
ne cherchions pas à raconter une histoire mais à la vivre dans son
instantanéité et sa vérité la plus profonde. Tous les trois, nous nous
sommes inscrits dans les traces d’un personnage, une marionnette, qui
naît à la vie avec tous les sentiments que cela peut générer : la
tristesse, la solitude, l’émerveillement. Nous voulions que le public
puisse grandir avec elle. Comme s’il s’agissait de sa propre vie.
Qu’il parte avec elle à la découverte de ce qu’elle est et de ce qui
l’entoure sans calcul, sans autre finalité que celle de goûter et
d’éprouver la beauté inattendue des toutes petites choses de la vie.
Un voyage initiatique dont le
guide est non identifié
La marionnette est animale, humaine, enfant, adulte. Elle est
ce tout mélangé. Habituellement, mes marionnettes sont de facture
réaliste. Si j’avais fait surgir une marionnette réaliste, on aurait
pensé à un monde post atomique en construction inachevée, cela aurait
raconté autre chose... Celle là est différente, je l’avais dans la
poche quand j’ai découvert les constructions miniatures d’Antonio.
C’est elle qui est partie explorer ce monde sensible, je n’ai fait que
la suivre. Je l’ai adaptée ensuite pour qu’elle trouve justement sa
place dans l’univers d’Antonio sans jamais lui donner une forme
complètement identifiable. Elle est un vecteur qui ouvre l’imaginaire
sans jamais l’enfermer. C’est en empathie avec son espièglerie, sa
tendresse, son humour, son goût du jeu que tout le spectacle s’est
construit. Elle n’est qu’un vers, une larve au tout début. Puis
l’univers qu’elle traverse participe à sa métamorphose. Chacune de ses
découvertes musicales, visuelles, émotives la fait grandir. Je voulais
que le public l’entende réfléchir, ressentir, qu’il se dise «j’y
crois, c’est vrai !».
Qui manipule qui ?
C’est Sandrine Hooge, une comédienne circassienne qui
manipule. Sans jamais avoir eu d’expérience dans ce domaine, elle a
immédiatement trouvé une relation quasi organique avec la marionnette.
Depuis toujours je travaille avec des comédiens qui ne sont pas des
marionnettistes. Ils apportent un plaisir du jeu, une générosité, une
couleur supplémentaire. Sandrine et la marionnette forment un duo qui
brouille le rapport du manipulateur et du manipulé. Qui détient le
pouvoir ? Ce rapport ambigu avec la marionnette est à la base de
mon travail.
Sans parole
Je ne suis pas quelqu’un de bavard, tout mon travail repose
sur le geste clair qui est une substitution à la parole. Les
personnages parlent mais on ne les entend pas. Je suis un admirateur
de Chaplin et de Keaton qui travaillaient sur tous les signes visuels
et auditifs, la scénographie, la manipulation des objets, la
chorégraphie des corps, la musique. J’essaie d’être très rigoureux
dans ce travail qui ne souffre pas de fausse interprétation. Je ne
fais pas un théâtre muet mais un théâtre où le public oublie qu’il n’y
a pas de parole. Dominique Duthuit d’après les propos recueillis
auprès d’Alain Moreau par Olindo Rampin et Alessia Tarasconi (Teatro
Delle Briciole).
Antonio Catalano
Une rencontre qui ne date pas d’hier...
Antonio est plasticien, musicien,comédien et avant tout poète...
En compagnie d’autres artistes, il habite sur
une petite colline du Montferrato non loin d’Asti dans le Piémont.
Il crée des mondes étranges et singuliers avec de la peinture, des
sculptures, des objets hors d’usage. Son univers esthétique rappelle
l’art brut... Ses matériaux de prédilection sont le bois flotté, les
feuilles, les branches de vigne, les pierres, les noix... A partir
de ces installations, il part à la rencontre du public... Avec sa
belle présence lunaire, Antonio raconte des histoires, joue du
bombardon, chante de petites comptines et fait participer les
enfants qui peuvent manipuler de drôles de machines. Il a un contact
simple avec eux, une facilité d’improvisation incroyable... Son art
a un lien immédiat avec l’enfance, ou ce qu’il appelle l’âge du
regard, celui où selon lui, la manière de regarder le monde et la
capacité de s’émerveiller de choses simples sont encore bien
présentes. Ainsi dans ses installations, il collectionne les flocons
de neiges, les nuages, les feuilles tombées, les gouttes de
pluies... Antonio est un enchanteur d’espace, ses créations
suscitent émerveillement et surprises...
Partout où le regard est invité à se poser, il y a de la beauté, de
la poésie, de l’humanité, de l’enfance, quelque chose à garder au
fond se soi, un trésor...
Une expérience inoubliable. Ce n’est pas
un hasard s’il a appelé sa compagnie les Univers Sensibles !
Pour cet artiste hors norme qui milite poétiquement pour que chaque
être sur terre fasse partie du patrimoine mondial de l’humanité, il
trouve important de fabriquer des malades de merveilles, des
émerveillés... Alain Moreau a rencontré Antonio Catalano au Portugal
en 2003, durant le projet Percusos, sorte de laboratoire/festival
qui se déroulait dans plusieurs villes du Portugal où ils étaient
tous deux invités. Ce beau projet européen créé à l’initiative de
Madalena Vittorino et de Giacomo Scalisi réunissait différents
artistes invités à faire de la recherche, à essayer dans la ville en
toute liberté ce qu’ils n’avaient jamais osé tenter... A cette
occasion quelques facettes du travail d’Antonio
y étaient présentées dont les Armoires sensibles visitables par un
seul spectateur, comme des portes-ouvertes sur des mondes
imaginaires où chacun peut se perdre ou se trouver, y laisser ses
propres traces...
On pouvait aussi y visiter, dans un hommage aux parcs d’attraction
féeriques du XIXe siècle, les Pavillons des merveilles, un village
de toiles multicolores où étaient déclinées différentes approches
poétiques du monde. Et c’est vraisemblablement là qu’a commencé à
germer l’idée de travailler un jour ensemble...
Infos : www.universisensibili.it
Max Vandervorst
un
complice depuis toujours...
Radio Tom,
Camping sauvage, Cabane, Bistouri, Fritkot, Sur la dune et Premiers
pas sur la dune suivirent et c’est avec le même bonheur que la
collaboration se poursuit encore aujourd’hui. Avec Piccoli Sentimenti
, une façon différente de travailler ensemble s’est imposée très
naturellement étant donné que la partie musicale nourrit la
dramaturgie autant que le personnage et l’univers scénographique. Max
a été donc très présent dès les premières explorations et durant les
répétitions. En osmose totale avec l’univers d’Antonio Catalano, les
instruments de Max fabriqués dans ce qui est convenu d’appeler les
préceptes de la lutherie sauvage y ont trouvé leur place ! Autant
les propositions scénographiques et dramaturgiques défrichées par
Antonio et Alain ont été le départ du spectacle, autant les
propositions musicalo-plastique de Max les ont complétées et ont donné
au spectacle une dimension supplémentaire évidente qui est vite
devenue indispensable.
La
lutherie sauvage...
Un instrument de musique est un objet qui produit des sons et
dont le musicien joue pour s’exprimer. Du lithophone primitif jusqu’à
l’électronique musicale, l’humain en évolution n’a fait que percuter,
frotter, pincer et souffler dans les objets qu’il trouvait ou
inventait. Les bruits
et les sons, les mélodies d’ici et les rythmes d’ailleurs, le quatuor
à cordes et l’électroacoustique font aujourd’hui partie d’un immense
vocabulaire planétaire dans lequel l’artiste d’aujourd’hui a la
liberté de puiser. A travers les modes et les tendances, «la lutherie
sauvage», qui consiste à créer des instruments de musique à partir
d’objets non spécifiquement conçus à cet effet, nous offre un terrain
d’aventure et de découvertes permanentes et nous pousse à un
dépassement continuel de nous-même. Du clown musical jusqu’à la
musique «concrète» mais savante de Pierre Schaeffer, des sculptures
sonores de Tinguely aux Steel Bands de Trinidad, des générations de
chercheurs et d’artistes se sont évertués à ouvrir une fois pour
toutes la notion même d’instrument de musique.
Non seulement l’emploi de ces instruments-là nous permet de trouver
des sons nouveaux, inouïs, inimitables par les instruments
traditionnels ou électroniques, mais encore nous apporte-t-il des
idées nouvelles : composer pour une bouilloire ou une bicyclette
suscite chez le musicien un imaginaire totalement différent de celui
qui est contenu dans la formule symphonique ou dans l’orchestre de
rock. Placé sur un terrain vierge dans la mesure où il n’a pas été
labouré par la tradition, l’artiste est contraint à l’invention. Cette
démarche, telle que nous l’entendons, est profondément ludique et nous
rappelle que, même dans le vocabulaire du dictionnaire, la musique est
faite pour être jouée. Enfin la lutherie sauvage nous propose
d’élargir les frontières du domaine musical pour aller à la rencontre
de la poésie, du théâtre, de la sculpture...
Max
Vandervorst
Max Vandervorst est musicien et inventeur d’instruments.
Depuis 1988 il réalise des spectacles où interviennent des instruments
qu’il créé lui-même à partir d’objets très divers ; Symphonie d’Objets
Abandonnés, Concerto
pour deux vélos, L’Homme de Spa, ont été largement diffusés à travers
le monde et continuent de l’être. Il est également compositeur de
musiques de scènes et concepteur de la Maison de la Pataphonie à
Dinant (Belgique). Un lieu magique, entièrement dédié à la «lutherie
sauvage», où chacun peut à loisir découvrir et expérimenter des
instruments tous plus étranges les uns que les autres.
Infos : www.maxvandervorst.be
Fiche technique téléchargeable en cliquant sur la clef anglaise